13.12.10

Notofolk

La musique electronifiée n'a de cesse de surprendre son monde. Sur-médiatisation monopolisée, artistes snipés par les critiques, blase attitude ambiante, les créations majeures du genre ramassent bien souvent les miettes de la reconnaissance.

Car sous les montagnes des linéaires se cachent du pur carat. Projets, collaborations, performances ou enregistrements dantesques, les années coulent, mais en creusant, la qualité ne tarit jamais.

C'est bien connu, une fois qu'on trempe les oreilles saignées à vif, dans un tel bouillon, difficile de ne pas les plonger dans un autre. ANBB, ce quatuor d'initiales, suit la même formule. Quatre lettres pour deux messieurs.

AN. Si à l'aise avec la rythmique et les machines, qu'on a l'impression qu'il a des fils de cuivres sous l'épiderme. AN égal Carsten Nicolai, s'abritant sous l'avatar Alva Noto.

BB. Touche à tout, capable de gratter aussi bien de la guitare, que d'enflammer ses cordes vocales, ou encore de donner la réplique devant les caméras. Un don, celui de faire fléchir n'importe quelle vitre quand il appuie sur ses aigus. BB égal Hans Christian Emmerich, renommé Blixa Bargeld


ANBB (Alva Noto, Blixa Bargeld)
Mimikry (2010)
Raster-Noton
r-n 121 (CD, 2x12")


La réputation de Raster-Noton en terme d'avancée musicale, n'est plus chose à réfuter. En une décennie, la plateforme Allemande, n'en a plus fini de mettre en avant des artistes majeurs. Les concepts et les collaborations y ont bien fleuries. Ce Mimikry entretient le vœu de Noto, ne pouvant se résigner à étendre sa toile musicale vers de nouvelles contrées.

Les ébats du piano, se sont substitués à l'industriel, au métallique, au décharné de la voix gutturale de BB. Monsieur Bargeld, que je ne connaissais ni d'Adam ni d'Ève jusqu'à présent (oralement parlant), a réussi à titiller ma curiosité quand à son parcours pré-Noton.

L'apport vocal étant déjà une révolution en soi, pour l'appareil de production Germanique, son ajout y apporte un souffle unique. Une richesse et une densité qui vont donner à ce savant mélange, des directions insoupçonnées.

L'EP faisant office de teaser à ce Mimikry, avait déjà donné la température en juin dernier. One et Electricity Is Fiction en fiers destriers. Mais ce numéro 121 du catalogue, nous dessert une attaque frontale que je ne suis pas prêt d'oublier.

Vous aussi croquez dans la pomme, le poison fait bien son travail.


6.12.10

I want to believe

S'il y a bien une vérité à surligner en ce bas monde, c'est la devise universelle qui nous sermonne depuis des siècles, l'habit ne fait pas le moine. Outre l'ampleur de son affirmation, et de ses significations souterraines, le dicton fait la part belle à l'industrie du cinéma.

Il ne suffit pas (plus) de troquer les arrières plans naturels avec des tôles bleues. Ces dernières, servant ensuite d'espaces créatifs aux ordinateurs sur-vitaminés du milieu (on connait la chanson).

Difficile de nier le fait, que l'œil, est irrémédiablement attiré par l'enveloppe, que le contenu passe en second plan. Mais parfois, s'armer d'une pelle permet de déterrer l' insoupçonnable.

Exit la rentabilité.
Seules quelques poignées de dollars, et une tête grosse comme un baudruche, permettent de faire des miracles. Vérité loin d'être généralisée, le gage de qualité n'étant pas (heureusement) une science exacte.

Il en est certains, comme c'est le cas de Jerome Bixby, qui ont réfléchi toute leur vie sur un concept, pour en exhiber des scripts en béton armé.

S'attarder sur son The Man From Earth, n'est que justice, tant il y a mis sa grisaille cérébrale a rude épreuve.


The Man From Earth (2007)
Script..........Jerome Bixby (USA)
Real.........Richard Schenkman (USA)
John Oldman.........David Lee Smith
Dan.........Tony Todd
Harry.........John Billingsley



Ici, ce qu'il convient d'admirer, c'est le pourquoi du comment. L'art de mettre en caméra une simple conversation au coin du feu, et de la transcender par la qualité de ses tenants et de ses aboutissants. Les dialogues font figure de tsunami.

Le personnage central, proclamée John Oldman, crée une confusion inter-cérébrale avec sa troupe sociale, composée de biologistes, psychologues, anthropologistes, historiens et autres littéraires. Une bombe lancée sans prévenir transfigure le fil rouge du film.

Alors qu'une ambiance détendue type pendaison de crémaillère se construit, c'est finalement des questions existentielles qui fusent, des théories, des curiosités planent sur le sujet d'étude Oldman.
Malgré la supercherie qui semble peser sur la rhétorique du bonhomme, ses amis bien musclés du crâne, sont fascinés par l'aura qu'il dégage. Jusqu'à tenir la chandelle, avec le présumé usurpateur, vers les premières lueurs du matin.

On assiste, rassasiés, avec ce tour de force du cinéma indépendant, à un festival de phrasés. Un joute verbale de haute voltige. Un Oldman vs Le Reste Du Monde. Tout est revisitée, un détour par des topics religieux, des récits historiques, de la biodiversité, même des tips et astuces sur la chasse aux mammouths. Difficile de donner raison à un clan. Chacun ayant un bon stock d'arguments sous le coude.

Un délicieux dépoussiérage culturel, au service d'un long métrage qui, de par son originalité, et ses dialogues mémorables, émoustillera encore le genre encore trop peu représentée de la science-fiction.